Tout simplement merci Frogs, 3 semaines de road trip sur les 2 Iles pour une Lune de Miel qui était parfaite de A à Z. Plus qu'une relation clients/ Agent, vous avez su cerner et répondre à nos attentes et souhaits...
Un casque espagnol du 16ème siècle, une cloche tamoule ancestrale et une sculpture en serpentine remettent en cause la découverte de la Nouvelle-Zélande par Abel Tasman, puis Cook au 17ème siècle. Des preuves, mais pas de certitudes et pourtant, le sujet est passionnant ! Stéphane Jourdan enquête...
Le casque "espagnol" de port Nicholson (ancien nom de Wellington)
Un jour que je me trouvais à Ponsonby dans la librairie "Rare and Hard to Find Books" dans laquelle on pouvait d'ailleurs voir le trône de Xena (Mais si Xena "la guerrière, spécialiste des coups de pied en jupe courte"), je tombai sur un livre intitulé "The Spanish Discovery of New Zealand in 1576" par Ross Wiseman.
Ce livre, extraordinairement mal présenté, mal écrit et d'un format impossible, est malgré tout très intéressant. Il relate une théorie dont le point central est la découverte d'un casque en fer dans le port de Wellington, capitale de la Nouvelle Zélande, au cours d'un dragage, dans les années 1880, le musée n'ayant pourtant pris la peine de le cataloguer qu'en 1907. Le casque est toujours exposé au musée Te Papa. (© photo)
Les expertises qui en ont été faites ont déterminé qu'il s'agissait d'un casque européen typique, datant des années 1580. Comme la nouvelle Zélande n'a été découverte officiellement par les européens qu'en 1642 (par le navigateur hollandais Abel Tasman), cela suggère deux possibilités.
Soit le casque a été perdu par des navigateurs européens "pré tasmaniens" et serait resté très longtemps enfoui sous l’eau, environ trois cent ans. C'est évidemment la thèse défendue par Wiseman. Ce dernier pense que le casque était enfoui dans la vase, ce qui l’aurait protégé de l'oxydation. Il base son analyse sur d’autres cas similaires. Il retrace avec minutie (et fac simile de documents d'époque) les voyages d'un certain vaisseau espagnol partit de Valparaiso et qui aurait découvert des terres inconnues dans le Pacifique vers 1576. C'est ce bateau, qui selon Wiseman aurait réellement "découvert" la Nouvelle Zélande et perdu ce casque européen porté par les soldats sur les vaisseaux espagnols. Il analyse aussi des récits maoris concordants et d’autres faits troublants qui appuient sa thèse.
Soit au contraire, le casque aurait pu être perdu par n'importe quel bateau européen visitant Wellington après la "découverte" de la Nouvelle-Zélande, et n’étant pas resté si longtemps sous l’eau, cela prouve son faible degré de dégradation. Dans ce cas, Il aurait pu être, par exemple, offert en cadeau aux maoris (mais comment se serait-il retrouvé dans le port ?) ou encore dans le lest des bateaux (les équipages étaient ils assez stupides pour jeter leur lest dans le port ?). Cette version plus prosaïque est celle du musée national...
Je remarque que des bateaux espagnols naviguaient effectivement intensivement dans le Pacifique au 16ème siècle puisque les Marquises ont été découvertes aussi tôt que 1595 (par Mendaña, attention il existe des centaines d'articles qui écrivent "Mendana"...).
Mais comment ce casque de 2 mm d'épaisseur a pu être extrait de la vase par une machine sans être aplati complètement ?
La cloche tamoule
Les polynésiens ne connaissaient pas le métal, ni la poterie en terre cuite. Leurs ancêtres avaient abandonné la poterie depuis des siècles (la civilisation Lapita, qui a donné son nom a un style de poterie, est pourtant considérée comme la source de la culture polynésienne). Pour faire cuire les aliments, ils avaient l'habitude de creuser des fours dans la terre (le nom polynésien habituel est umu, mais les maoris ont leur mot spécifique, h?ngi). Après avoir fait du feu dans un trou (en Nouvelle Zélande ils ont dû s'apercevoir avec délice qu'en maints endroits on pouvait se dispenser de cette étape, le sous-sol étant chaud), on y enterre les aliments pour la cuisson, enveloppés dans des feuilles.
Imaginez l'étonnement d'un missionnaire, William Colenso, s'apercevant vers 1836 que des maoris du côté de Whangarei font cuire leur repas dans un vieux ‘truc’ cassé en bronze. On lui raconte alors que cet objet est dans la tribu depuis plusieurs générations et qu'il a été trouvé dans les racines d'un arbre arraché par une tempête.
Après un échange contre une meilleure casserole, Colenso s'approprie l'objet et s’intéresse à l'inscription bizarre, bien visible sur la photo, qui le ceint. Il s'avère après analyse que c’est du Tamoul ancien (une culture de l'Inde et de Ceylan, au langage disparu depuis 500 ans).
L’inscription, "cloche du navire Muhayideen Baksh", lève tout doute sur son origine. La cloche devait appartenir à un bateau tamoul...
Mais alors, comment est-elle arrivée là ? L'hypothèse la plus probable, bien que non vérifiée, semble indiquer que d’anciens navigateurs tamouls aient pu débarquer, ou faire naufrage, en Nouvelle-Zélande à une époque reculée.
En dehors de l'écriture, il me semble qu'une expertise métallurgique de cette cloche pourrait être faite, qui devrait donner des indications très précises sur son origine (je ne pense pas qu'une telle expertise ait été réalisée jusqu'à présent).
Comme le casque, la cloche repose désormais au musée national de Wellington (© photo)
Le Korotangi
Le Korotangi, un oiseau taillé avec minutie dans la pierre serpentine aurait été trouvé en 1878 par des jeunes maoris du côté de Kawhia (certaines références parlent de Ruapuke [1]), une grande baie sauvage de l'ouest de l'île du nord, dans les racines d'un manuka déraciné (à nouveau !), mais d'autres versions de sa découverte – ou de son ‘apparition’ - existent. Le nom Korotangi évoque une décomposition en deux éléments : koro (de signification indéterminée dans ce contexte) et tangi (une racine qui signifie "pleurer, crier, se lamenter") mais le nom korotangi existe par ailleurs en maori pour désigner ces fosses dans lesquelles les maoris conservaient la nourriture. D'autre variantes du nom existent, comme Korota ou Korotau (des diminutifs poétiques apparemment).
La pierre dans laquelle il est taillé ne permet apparemment pas de lui attribuer une origine, mais le doute plane fortement sur le fait que la pièce vienne de Nouvelle-Zélande. La serpentine existe en Nouvelle Zélande, mais aucune analyse ne permet de déterminer si le Korotangi est de la même qualité. Les maoris taillaient la serpentine, qu'ils appelaient "tangiwai" (l'eau qui se plaint", ou les larmes, dans lequel on retrouve "tangi") mais il semble évident que cet objet n'appartient pas à la culture maorie de par son style et le détail de sa réalisation. En effet, il aurait été taillé avec un objet métallique, matériau inconnu des maoris de cette époque.
Ensuite, quelle sorte d'oiseau est-ce ? On a d'abord pensé que c'était un oiseau de mer, un pétrel. Mais des observations plus poussées montrèrent que les narines ne correspondaient pas. Les pétrels ont des narines caractéristiques en tube. Ce serait donc plutôt une représentation d’un pigeon ou d’une tourterelle. Mais d’où vient ce style ? Il semblerait qu’il y ait des ressemblances avec des sculptures chinoises, et une expertise artistique devrait nous dire si l'objet est unique ou bien se rattache à une tradition connue. Avez-vous un avis sur la question ?
Toujours est-il que, rapidement passée dans des mains européennes, cet objet est malgré tout reconnu un jour par une vieille femme maorie qui le considère comme un "taonga", un trésor culturel, et se met immédiatement à psalmodier un chant associé reproduit plus bas.
Très curieusement, plusieurs chants traditionnels maoris antérieurs à sa (re) découverte évoqueraient cet objet. Selon eux, il aurait même été apporté dans une des premières pirogues colonisatrices, Tainui, connue pour avoir fini son voyage à Kawhia. Le fait de l'avoir retrouvé a certainement provoqué à la fois une grande joie et probablement aussi une certaine déception dans le monde maori, pour être arrivé dans les mains des Pakehas (européens). Le Korotangi a finalement terminé sa course en 1995 au Dominion Museum à Wellington qui le conserve.
Comment cet objet est arrivé en Nouvelle Zélande ? Il semble probable que les anciens maoris l'aient connu, puis perdu, et que son histoire soit consignée dans la tradition orale chantée. Pourtant les chants utilisent beaucoup de métaphores qui rendent le lien relativement flou. Toutefois, il ne peut venir de Tahiti ou d'une autre partie de la Polynésie orientale, région d'origine des maoris, qui manque complètement de serpentine. Des questions qui permettent de se demander si des contacts n'ont alors pas été fait avec d'autres civilisations d'asie !
Le chant
“Kaore te aroha
Kei hea Korotangi |
Traduction anglaise par C. O. Davis
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Ma traduction, basée sur le maori :
"Je n'ai pas de réconfort, mon poussin, quand je pense à toi ! |
Stéphane Jourdan